[gtranslate] Mercredi des Cendres - Eglise Catholique Saint James (Saint Jacques)

Mercredi des Cendres

Basilique de Santa Sabina
Mercredi des Cendres, 2 mars 2022

Aujourd’hui, alors que nous entamons le Carême, le Seigneur nous dit : « Prenez garde de pratiquer votre piété devant les autres pour être vus par eux; car alors vous n’avez aucune récompense de votre Père céleste ” (MT 6:1). Cela peut être surprenant, mais dans l’Évangile d’aujourd’hui, la parole que nous entendons le plus souvent est récompense (cf. vv 1.2.5.16). Habituellement, le mercredi des Cendres, nous pensons davantage à l’engagement exigé par le chemin de la foi, plutôt qu’au prix qui en est le but. Pourtant, aujourd’hui, Jésus ne cesse de revenir à cette parole, récompense, ce qui peut sembler être la raison de nos actions. Pourtant, dans nos cœurs, en fait, il y a une soif, un désir de récompense, qui nous attire et nous motive.

Le Seigneur, cependant, parle de deux sortes de récompenses auxquelles nos vies peuvent tendre: une récompense du Père et, d’autre part, un récompense des autres. Le premier est éternel, la vraie et ultime récompense, le but de nos vies. La seconde est éphémère, un projecteur que nous recherchons chaque fois que l’admiration des autres et le succès mondain deviennent la chose la plus importante pour nous, notre plus grande satisfaction. Pourtant, ce dernier n’est qu’une illusion. C’est comme un mirage qui, une fois arrivé, se révèle illusoire ; il nous laisse insatisfaits. L’agitation et le mécontentement sont toujours au coin de la rue pour ceux qui se tournent vers une mondanité qui attire mais déçoit ensuite. Ceux qui cherchent des récompenses mondaines ne trouvent jamais la paix ni ne contribuent à la paix. Ils perdent de vue le Père et leurs frères et sœurs. C’est un risque auquel nous sommes tous confrontés, et Jésus nous dit donc de “prendre garde”. Comme pour dire: « Vous avez une chance de profiter d’une récompense infinie, d’une récompense incomparable. Méfiez-vous donc et ne vous laissez pas éblouir par les apparences, poursuivant des récompenses bon marché qui déçoivent dès que vous les touchez ”.

Le rite de réception cendresbon nos têtes est destiné à nous protéger de l’erreur de placer la récompense reçue des autres avant la récompense que nous recevons du Père. Ce signe austère, qui nous amène à réfléchir sur la fugacité de notre condition humaine, est comme un médicament au goût amer et pourtant efficace pour guérir la maladie des apparences, une maladie spirituelle qui nous asservit et nous rend dépendants de l’admiration des autres. C’est un véritable “ esclavage” des yeux et de l’esprit (cf. Eph 6:6, Col 3:22). Un esclavage qui nous fait vivre nos vies en vain, où ce qui compte n’est pas notre pureté de cœur mais l’admiration des autres. Pas comment Dieu nous voit, mais comment les autres nous voient. Nous ne pouvons pas bien vivre si nous sommes prêts à nous contenter de cette récompense.

Le problème est que cette « maladie des apparences » menace même la plus sacrée des enceintes. C’est ce que Jésus nous dit aujourd’hui : que même la prière, la charité et le jeûne peuvent devenir autoréférentiels. Dans chaque acte, même le plus noble, il peut cacher le ver de autosatisfaction. Alors notre cœur n’est pas complètement libre, car il cherche, non pas l’amour du Père et de nos frères et sœurs, mais l’approbation humaine, les applaudissements des gens, notre propre gloire. Tout peut alors devenir une sorte de prétention devant Dieu, devant soi et devant les autres. C’est pourquoi la parole de Dieu nous exhorte à regarder à l’intérieur et à reconnaître nos propres hypocrisies. Laissez-nous faire un diagnostic des apparences que nous recherchons, et essayons de les démasquer. Cela nous fera du bien.

Les cendres témoignent du vide qui se cache derrière la quête frénétique de récompenses mondaines. Ils nous rappellent que la mondanité est comme la poussière emportée par un léger coup de vent. Sœurs et frères, nous ne sommes pas dans ce monde pour chasser le vent; nos cœurs ont soif d’éternité. Le Carême est le temps qui nous est accordé par le Seigneur pour être renouvelé, pour nourrir notre vie intérieure et pour cheminer vers Pâques, vers les choses qui ne passent pas, vers le récompense nous devons recevoir du Père. Le Carême est aussi un voyage de guérison. Ne pas être changé du jour au lendemain, mais vivre chaque jour avec un esprit renouvelé, un “style” différent. La prière, la charité et le jeûne sont des aides à cela. Purifiées par les cendres de Carême, purifiées de l’hypocrisie des apparences, elles deviennent encore plus puissantes et nous ramènent à une relation vivante avec Dieu, nos frères et sœurs et nous-mêmes.

Prière, prière humble, prière « en secret » (MT 6:6), dans la clandestinité de nos chambres, devient le secret pour faire prospérer nos vies partout ailleurs. La prière est un dialogue, chaleureux d’affection et de confiance, qui console et élargit nos cœurs. En ce temps de Carême, prions avant tout en regardant le Seigneur Crucifié. Ouvrons nos cœurs à la tendresse touchante de Dieu, et dans ses blessures, plaçons nos propres blessures et celles de notre monde. Ne soyons pas toujours pressés, mais trouvons le temps de nous tenir en silence devant lui. Redécouvrons la fécondité et la simplicité d’un dialogue sincère avec le Seigneur. Car Dieu ne s’intéresse pas aux apparences. Au lieu de cela, il aime se retrouver dans le secret, “le secret de l’amour”, loin de toute ostentation et de toute clameur.

Si la prière est réelle, elle porte nécessairement ses fruits en bienfaisance. Et la charité nous libère de la pire forme d’esclavage, qui est l’esclavage de soi. La charité de Carême, purifiée par ces cendres, nous ramène à l’essentiel, à la joie profonde que l’on trouve dans le don. L’aumône, pratiquée loin des projecteurs, remplit le cœur de paix et d’espoir.  Elle nous révèle la beauté du don, qui devient alors réception, et nous permet ainsi de découvrir un secret précieux : nos cœurs se réjouissent plus de donner que de recevoir (cf. Acte 20:35).

Enfin, jeûne. Le jeûne n’est pas un régime. En effet, il nous libère de la quête égocentrique et obsessionnelle de la forme physique, afin de nous aider à garder en forme non seulement notre corps mais aussi notre esprit. Le jeûne nous fait apprécier les choses pour leur vraie valeur. Elle nous rappelle concrètement que la vie ne doit pas dépendre du paysage éphémère du monde actuel. Le jeûne ne doit pas non plus être limité à la seule nourriture.  Surtout en Carême, nous devrions jeûner de tout ce qui peut créer en nous toute sorte de dépendance. C’est quelque chose sur lequel chacun de nous devrait réfléchir, afin de jeûner d’une manière qui aura un effet sur nos vies réelles.

La prière, la charité et le jeûne doivent se développer “en secret », mais ce n’est pas le cas de leurs effets. La prière, la charité et le jeûne ne sont pas des médicaments destinés uniquement à nous-mêmes mais à tous: ils peuvent changer l’histoire. D’abord parce que ceux qui en subissent les effets les transmettent presque inconsciemment aux autres ; mais surtout parce que la prière, la charité et le jeûne sont les principaux moyens pour que Dieu intervienne dans nos vies et dans le monde. Ce sont des armes de l’esprit et, avec elles, sur ce journée de prière et de jeûne pour l’Ukraine, nous implorons de Dieu cette paix que les hommes et les femmes sont incapables de construire par eux-mêmes.

Seigneur, tu vois en secret et tu nous récompenses au-delà de toutes nos attentes. Écoutez les prières de ceux qui ont confiance en vous, en particulier les humbles, ceux qui ont été durement éprouvés et ceux qui souffrent et fuient devant le rugissement des armes. Rétablissez la paix dans nos cœurs; une fois de plus, accordez votre paix à nos jours. Amen.